Ai-je le droit de considérer qu’un salarié en arrêt maladie n’acquiert pas de droits à congés payés ?
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Rappel des dispositions légales
Le Code du travail dispose, en son article L. 3141-3, qu’un salarié acquiert 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois de travail effectif. La durée totale du congé ne peut alors, par principe, excéder 30 jours ouvrables pour une année de travail complète.
Pour mémoire, équivalent à un mois de travail effectif les périodes de travail de 4 semaines ou de 24 jours.
Rappel: La période de référence pour l’acquisition des congés payés est fixée, en principe, par un accord d’entreprise ou, à défaut, par un accord de branche. A défaut de stipulations conventionnelles, celle-ci débute au 1er juin d’une année donnée et s’achève au 31 mai de l’année suivante.
La loi énonce, de surcroît, que certaines absences du salarié doivent être assimilées, malgré tout, à du temps de travail effectif et donc prises en considération pour la détermination de ses droits à congés (art. L. 3141-5).
Il en est notamment ainsi pour :
- les périodes de congés payés, de congé de maternité, d’adoption, de paternité et d'accueil de l'enfant ;
- les contreparties obligatoires aux heures supplémentaires sous forme de repos ;
- les jours de repos accordés au titre d'un accord collectif conclu sur l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine ;
- les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
- les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.
Au vu de cette éloquente déclinaison, le législateur indique, par son silence, que l’arrêt de travail justifié par un maladie d’origine non professionnelle ne permet pas au salarié de se constituer des droits à congés payés.
S’agissant, en revanche, des absences consécutives à une maladie d’origine professionnelle, celles-ci doivent être prises en compte, comme nous l’avons vu, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an.
Notez le : Les partenaires sociaux restent en capacité d’instituer des assimilations imprévues par la loi ou d’améliorer celles déjà instituées.
Ces dernières considérations ont toutefois volé en éclats, le 13 septembre 2023, suite à la publication de trois arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Le bouleversement amorcé par la Cour de cassation
Par ces décisions, la Haute juridiction a vigoureusement acté la mise en conformité du droit français avec le droit de l’Union européenne en admettant qu’un salarié, absent pour maladie, acquerrait des droits à congés payés, et ce, quelles que soient l’origine de sa maladie et la durée de son absence.
Ainsi donc :
Non, vous ne pouvez plus considérer qu’un salarié absent pour ce motif ne se constitue aucuns droits à congés payés.
Dorénavant, si ce dernier se retrouve dans l’incapacité d’exercer ses droits, il pourra solliciter une prise reportée ou, le cas échéant, le versement d’une indemnité compensatrice.
Cette jurisprudence connaît, depuis lors, une transposition décomplexée au sein des cours d’appel. Ce qui, de fait, a contribué à renforcer l’inquiétude des entreprises.
Le 15 novembre 2023, la Cour de cassation a par ailleurs accepté de renvoyer une double QPC sur le sujet au Conseil constitutionnel. L’audience est fixée le 30 janvier 2024 à 9h30.
Une réforme en cours de préparation
Pressé, par cet état de fait, d’intervenir sur le sujet, le ministère du Travail a indiqué le 9 janvier 2024, en réponse à une question formulée par le député Antoine Armand, qu’il continuait d’examiner, avec les partenaires sociaux, « les conditions d'une mise en conformité de notre droit national en veillant à ce que celle-ci permette de sécuriser les entreprises dans les conditions les plus satisfaisantes possibles ».
Le 30 novembre 2023, l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne avait annoncé, lors d’un discours prononcé au salon Impact PME, que cette mise en conformité adviendrait « au cours du 1er trimestre 2024 » et que l’impact de cette jurisprudence serait réduit au maximum.
Pour l’heure, deux pistes d’intervention semblent envisagées :
- d’une part, limiter l’acquisition des congés payés à 4 semaines ;
- d’autre part, instituer une limite de report des congés acquis à 15 mois.
Concernant, enfin, le véhicule législatif à mobiliser, la nouvelle loi DDADUE pourrait être privilégiée par le Gouvernement.
Les prochains mois seront décisifs, à n’en pas douter.